> Interview d’une accro au minimalisme (bonheur en +)

bonheur d'une femme autour des plantes

Nouveau podcast avec l’interview de Marie-Ange Alexandre, auteure du livre « consommez moins pour vivre mieux », et rédactrice en chef du blog simple pratique, ou elle nous partage (entre autres !) ses recherches en bonheur et ses ressources en minimalisme.

« S’accorder le droit au bonheur. »

CRC : Bienvenue, merci d’avoir accepter mon invitation.
MAA : Mais de rien, je t’en prie.

CRC : Pour ceux qui ne te connaissent pas, est-ce que tu peux te présenter brièvement ?

MAA : Oui, alors je m’appelle Marie-Ange Alexandre, il y a peu de temps encore j’étais formatrice et coach indépendante en présentiel.
Encore avant, j’étais enseignante-chercheure à l’université.
Et cette activité en indépendante, je la mène depuis 5 ans, parallèlement à une autre activité en indépendante, en libérale, de neuro-psychologue.
Mais depuis le mois de février, le 14 février très exactement, j’ai décidé de changer de vie et de complètement transformer ma manière de travailler, et puis aussi de déménager à l’autre bout du monde.
Je tiens un site professionnel qui explique tout ça et qui porte aussi sur tout ce que je fais dans mon métier de formatrice.
Ceci s’appelle simplepratique.net.

CRC : Alors, moi, je t’interroge pour parler un peu du livre que tu as écrit. Je t’interroge sur ça parce que ça parle du minimalisme, de vivre simplement, en rapport avec ce blog sur le recyclage textile.
Est-ce que tu pourrais nous le présenter ?

MAA : Oui, alors il s’appelle consommez moins pour vivre mieux, il est paru en janvier 2019. En fait, c’est un guide pratique.
Vraiment pratique, avec des conseils, des exercices à faire.
Le but, c’est de reprendre en main sa vie financière, et sa consommation de manière générale, de façon à être moins stressée vis à vis de ça.
Parce que les difficultés financières que l’on peut vivre, c’est une source de stress perpétuelle.
Et quand on est en stress perpétuel, on ne peut plus apprécier sa vie.
Alors j’ai voulu écrire un livre très pratique sur comment on reprend en main notre vie financière et notre consommation, pour aider les gens qui ont des difficultés, mais aussi des gens qui, sur le papier, n’ont pas de difficultés financière, c’est-à-dire qu’ils gagnent bien leur vie, mais qui commencent le mois d’après toujours en découvert.
Ce n’est pas une situation qui est saine, ce n’est pas une situation normale, et c’est aussi une situation qui nourrit du stress et c’est déséquilibrant

argent liquide dans un verre : minimalisme et gestion budgétaire
Image IStock

CRC : Oui, j’ai ton livre, j’ai vu que tu nous donnais beaucoup d’exercices ! C’était une réelle volonté de ta part que le lecteur s’implique ? Peut-être pour qu’il se rende compte par lui-même de sa situation ?

MAA : Oui. Je suis enseignante, depuis plus de 20 ans maintenant, d’abord à l’université, puis, maintenant, avec des adultes en entreprise, et d’autres en reconversion professionnelle.
On va dire que c’est une déformation professionnelle parce que, en formation,
on ne peut pas faire que du théorique.

CRC : sinon, on s’endort !

MAA : et quand on ne fait que du théorique, ça ne sert à rien. J’ai fait de très très longues études. Autant te dire que l’aspect théorique, j’aime ça.
Mais je pense que pour toucher du doigt et pour simplifier, pour changer, vraiment, de vie financière, il faut faire, il ne faut pas que lire.
C’est très facile de lire des infos, si on ne les met pas en pratique, ça ne sert à rien !


Je donne souvent cet exemple : moi je fais souvent du vélo, c’est mon seul mode de transport, avec mes pieds et puis, les transports en commun.
Une personne qui voudrait apprendre le vélo pourrait lire des tas et des tas de livres, même regarder des vidéos pour savoir comment il faut faire pour faire du vélo. Alors, il va avoir une connaissance théorique parfaite de l’équilibre, de savoir comment se tenir sur un vélo, de comment se déplacer.
Le problème c’est que s’il n’en fait jamais, ça ne changera rien à sa vie.
Et c’est exactement la même chose avec les aspects financiers, et même avec beaucoup d’aspects de la vie : tant qu’on ne met pas en pratique les choses qu’on apprend, finalement, ça ne change rien.


C’est pour ça que j’ai voulu que ce soit vraiment un parcours : je vous prend par la main, on va commencer par le début – c’est-à-dire par regarder ce que vous pensez sur l’argent.
Après on continue sur ce que vous avez comme argent, tout ce que vous avez dépensé.
On fait une photo et à partir de là, je vous emmène dans un parcours jusqu’à, peut-être pas l’indépendance financière – parce que tout le monde ne vise pas cet objectif-là, mais, au moins, une meilleure santé financière.

CRC : Alors, j’ai quand même fait les exercices. Et c’est vrai que de faire les exercices, c’est comme si, d’une certaine manière, on s’engageait !
Le fait de le mettre par écrit, c’est vraiment une démarche particulière. Et de se rendre compte aussi quelle est la réelle valeur de notre argent, de notre travail…

MAA : Exactement.

la simplicité d'une fleur dans un bocal est inspirante
Simplicité et minimalisme inspirants _ photo Suzy Hazelwood

CRC : Et on ne peut être que d’accord avec toi quand on parle de changement, de vie plus simple…
D’ailleurs, tu peux nous dire ça t’es venu l’idée d’une vie plus simple ?
Est-ce qu’il y a de grands auteurs qui t’ont inspiré ?

MAA : Au départ, ce ne sont pas du tout des auteurs qui m’ont inspiré.

CRC : D’accord !

MAA : Au départ, c’est la vie, en fait.
Au début des années 2000, vraiment au tout début, je me suis retrouvé en difficulté financière.
À l’époque, j’étais avec quelqu’un qui était très très dépensier.
Et, par ailleurs, on n’avait pas de source de revenus stable à ce moment-là.
Finalement, il a bien fallu trouver des solutions.
La solution à laquelle tout le monde pense c’est : ah ! Gagner plus d’argent.
Mais, parfois, gagner plus d’argent, c’est pas possible.
Donc, après, il faut faire avec ce qu’on a.
À partir de ce moment là, je me suis intéressée à chercher des solutions à mes problèmes financiers.
Et, comment te dire qu’Internet, c’était assez lent.


Mais il n’empêche que j’ai réussi à lire des tas et des tas de choses sur un concept qui s’appelle « la simplicité volontaire ».
C’est un concept qui nous vient d’Amérique du Nord : les États-Unis, le Canada, et beaucoup le Québec dans le monde francophone.
Finalement, dans les années 2000, j’ai créé un blog sur la simplicité volontaire, j’ai créé un forum sur cet aspect-là, ce qui m’a permis de communiquer dans tout le monde francophone qui était intéressé par cette démarche-là.
Et j’ai appris beaucoup, beaucoup de choses via le site de simplicité volontaire québécois, comme avec Dominique Boisvert, des gens qui m’ont appris beaucoup de choses.
Après, j’ai lu des livres pas très connus, de vieux livres des années 70-80, de gens qui étaient des « simplicitaires » malgré eux.
Il y avait des choses très connues, comme revivre à la campagne, qui reposaient les bases d’une vie plus simple.


Je me suis inspirée de ça pour complètement changer mon mode de vie.
C’était début 2000. Ça fait plus de 15 ans que je suis dans cette mouvance-là.
Après, j’ai trouvé du travail dans l’insertion sociale, avec des gens en grande difficulté d’insertion sociale.
Et là, je me suis aperçue que je n’étais pas toute seule à avoir d’éducation financière.
Et qu’on était nombreux, dans ce cas-là.
Parce que l’éducation financière, ce n’est pas quelque chose qu’on apprend à l’école. On ne nous apprend pas à gérer notre argent, à l’école. Pas du tout.

CRC : Non, c’est vrai.

MAA : Et, en fait, il y a une injustice : si on ne nous l’apprend pas à l’école, et si on ne nous l’apprend pas dans la famille, alors on part pas sur le même pied d’égalité que des gens à qui on appris ces choses-là dans la famille.
Du coup, je me suis fait cette éducation moi-même.
En lisant ! Je ne me suis pas faite cette éducation toute seule, toute seule, ça ne me vient pas du ciel !

CRC : (rire intérieur)

MAA : Et je me suis dit que c’était important de transmettre ça à d’autres personnes.
J’ai donc commencé à faire des cours d’ « économie domestique » (je ne sais pas
comment je peux dire ça !) pour transmettre à d’autres ce que, moi, j’avais appris.


Parce que, personne ne sait comment fonctionne une banque, personne ne sait ce que c’est l’argent.
Les gens confondent conseillers clientèles avec ce qu’ils sont vraiment, des commerciaux, qui sont là pour vendre des produits financiers, et qui n’ont de conseiller que le nom, en fait.


J’ai commencé à faire des cours, et je me suis rendue compte que ça changeait, non pas la vie des gens, mais leur point de vue de ce que c’était que l’argent, ce qu’on pouvait faire pour en gagner, ce qu’on ne devait pas faire pour en gagner.
Et puis de mieux gérer ce qu’ils avaient.

CRC : C’est vrai. Vu qu’on est sur un podcast sur la couture, et même sur la simplicité, sur le recyclage textile, j’ai vu que dans ton livre, il y avait un chapitre pour faire des cadeaux soi-même, tu donnes plein d’idées sur la couture, de DIY, de bricolage…

patchwork de couleurs sur un mur représentant un ours
Tout type de patchwork_ Photo Toa Heftiba Sinca


Et il y a un paragraphe qui m’a interpelé, quand tu dis de trier ses affaires, c’est concernant les anciens vêtements.
Tu proposes de les découper et de les coudre pour en faire … un cadre !
Pour garder une image des anciens vêtements dont on n’arrive pas à se séparer.
Alors, est-ce que tu l’as mis en application ?

MAA : Alors, non, parce que le patchwork, c’est un travail qui est beaucoup trop minutieux pour mes petites compétences de couturière.
Par contre, ça m’a été inspiré par la mère d’une amie.
Mon amie m’expliquait que sa maman était fan de patchwork, de quilting (je ne sais pas si c’est ça le nom)…

CRC : Quilting, ma belle-mère en est fan, alors je connais !

MAA : Du coup, je me suis intéressée à ce que c’était.
Alors, je connaissais déjà, j’avais vu des jolis plaids, des choses qui sont faites, comme ça, à la main.
En fait, quand tu regardes les origines du patchwork, c’est tout à fait ça : on ne jetait pas des vêtements, même s’ils étaient usés, même s’ils étaient troués.
Quand on ne pouvait plus du tout les utiliser, on les découpait en petit morceaux et on les gardait, pour en faire des plaids, des choses comme ça.
Je me suis dit : si on avait des difficultés à se séparer des vêtements parce que, oui, ce sont des choses qu’on a bien aimé.
On a bien aimé la texture, on a bien aimé la couleur, on a aimé l’imprimé…
En fait, on pourrait en faire un patchwork !


Les gens qui disposent de ces compétences-là et de la patience nécessaire pourraient, et le garder, comme un témoignage, finalement, d’une partie de leur vie.
Non, non, moi, mes vieux vêtements, certains, je m’en suis débarrassés dans les conteneurs, là, pour vêtements.
Sinon, j’ai quand même fait des sacs, j’ai quand même fait des coussins, j’ai quand même fait des choses comme ça.

CRC : C’est super !

MAA : Mais beaucoup, c’est dans les conteneurs quand je ne pouvais pas les donner pour les gens qui en avaient besoin.

CRC : Ça te permettrait de conserver un petit bout de bonheur encadré !

MAA : J’aimerai bien ! Mais je ne suis pas capable de le faire, tu vois.

CRC : Alors, toi, ta partie, c’est plutôt le bonheur.

MAA : Oui, c’est plutôt ça.

CRC : Et tu tiens un blog sur le bonheur. D’ailleurs, tu m’as expliqué que tu faisais un podcast pour lequel tu interviewait plein de personnes pour chercher une définition du bonheur.

MAA : Oui !

CRC : Actuellement, quelle est ta meilleure astuce pour être heureux ?

MAA : Je ne sais pas si c’est une astuce, mais je trouve que c’est important.

Tout d’abord, c’est de s’accorder le droit d’être heureux.

Je sais que ça va paraître bizarre, tout le monde va dire « mais oui, mais si, on veut tous être heureux.

Mais souvent, on ne s’accorde pas le droit.

Parce qu’il faut être capable de se débarrasser de quelque chose qui nous touche tous et toutes, c’est la petite voix, qu’on a intériorisé. Ce n’est pas toujours une petite voix gentille, qui est indulgente, etc.

Très souvent, la petite voix qu’on nourrit, et qu’on cultive, c’est une petite voix qui dit : « tu DOIS , il FAUT, tu ne DOIS PAS, avec des injonctions comme ça.

Souvent, on a intériorisé des injonctions, des exigences de l’extérieur de nos parents, de l’école…

En fait, c’est ce regard négatif sur nous, mais qu’on a bien intériorisé.

Je trouve que c’est tellement dommage d’avoir en soi une sorte de « rabat-joie » qui nous empêche d’être la personne qu’on est, et je crois que la meilleure chose à faire est de travailler activement pour limiter cette petite voix.

Parce que les « il faut », « tu dois », au bout d’un moment, ça nous rend prisonnier, ça nous enferme, ça nous empêche d’être libre.

femme souriante qui ouvre une porte, comme une personne s'ouvre sur le bonheur.
Dompter sa petite voix intérieure et s’ouvrir au bonheur _ Photo Ketut Subiyanto

CRC : Être libre, c’est peut-être aussi vivre avec peu, comme tu le dis dans ton livre, et donc, là, actuellement, où est-ce que la liberté t’emmène ?

MAA : Du coup, la liberté va m’emmener… Tu sais, je vais avoir bientôt 49 ans, eh bien, la liberté m’emmène à me délester de presque tout ce que je possède, de toute ma vie d’avant, en gardant les amis, les connaissances et les compétences acquises, et plus l’expérience.

J’ai pris un aller simple pour Jakarta et normalement…

CRC : Félicitations !

MAA : (rires) merci ! Et normalement, en Octobre, je serai en Indonésie. Je pars le 13 octobre et je serai le 14 octobre à Jakarta.

Sinon, j’ai l’habitude de voyager en vélo, j’ai tout mon matériel, ce que je vais faire c’est que je vais mettre mon matériel dans mon vélo et je vais partir en vélo, je ne sais où. Je vais partir de chez moi et je verrai vraiment où le vent me portera.

CRC : À Jakarta, en vélo ?

MAA : Peut-être ! Je connais plein de gens qui ont fait le tour du monde, ce n’est pas si difficile que ça. À vélo, ce n’est pas la destination qui compte, c’est chaque tour de pédale.

C’est l’effort au quotidien. Le voyage à vélo c’est vraiment la liberté. On peut dormir où l’on veut. J’ai mes sacoches, ma tente, mes gamelles, mon réchaud. Je m’arrête quand je veux.Si j’ai envi de rester 2 jours à un endroit, je reste 2 jours à cet endroit. Si je n’ai pas envie de rester, je  ne reste pas. Si j’ai envie de pédaler que 2 heures sur une journée, je ne pédale que 2 heures.

En fait, c’est la vrai liberté du voyage en vélo, par rapport au voyage en voiture ou en train, ce n’est pas la destination qui compte, c’est le voyage. Vraiment.

CRC : Dis donc, ce serait une source de stress pour moi ! Moi qui suit bien carré, bien organisée, mais c’est sympa aussi !

MAA : C’est ça qui est fou ! Parce qu’il y a deux manières de s’organiser : soit tu organises le temps, soit tu organises  tes ressources. Et moi, sur mon vélo, mes sacoches sont bien organisées, j’ai tout ce dont j’ai besoin.

Après, le temps, c’est autre choses. Quand tu voyages à vélo, tu organises tes ressources. En fait, tu fais en sorte que tout soit possible. Donc je suis très organisée, mais à la minute et pas sur un emploi du temps.

paysage mer et montagne, un homme se promène, son vélo en premier plan
La liberté du voyage en vélo _ Photo Daniel Frank

CRC : Si tu voyages au bout du monde, tu va garder le contact avec nous ? Où est-ce qu’on peut retrouver tes actualités ?

MAA : Déjà sur mon site simplepratique.net, on peut s’inscrire à une newsletter. Tous les vendredis matin, j’envoie une newsletter dans laquelle j’explique tout ce processus de changement, tout ce qui m’arrive, etc.

Et mes réflexions sur la vie, le bonheur, plein de choses, en fait, sur nos attachements divers et variés. Donc on peut suivre cette transformation.

Puis j’ai une chaîne YouTube, pour l’instant, elle débute, alors il n’y a pas grand chose, mais ça viendra.

Et puis j’ai mon podcast qui s’appelle « apprendre le bonheur », où j’interroge des gens sur le bonheur. Alors pour l’instant, j’interroge beaucoup de gens en France, mais j’espère interroger beaucoup de gens qui seront dans les pays que je vais traverser.

CRC : Alors je te dis à bientôt, je te souhaite bon vent, et bonne nouvelle vie !

MAA : Et bonne couture, bonnes transformations avec tes vêtements usagers, c’est très joli ce que tu fais !

Et vous, qu’elle est votre meilleure astuce pour être heureux ?

Marie-Ange Alexandre « Consommez moins pour vivre mieux » aux éditions Eyrolles.

 » Ce n’est pas la destination qui compte, c’est chaque tour de pédale. »

Image mise en avant : Ksenia Chernaya.

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